Le cancer du col de l’utérus représente un enjeu majeur de santé publique, avec environ 3 159 nouveaux cas estimés en 2023 en France. Ce cancer, situé au 12e rang des cancers les plus fréquents chez les femmes en 2018, se développe généralement 10 à 20 ans après une infection persistante par le papillomavirus humain (HPV).
Des études récentes ont mis en lumière le rôle potentiel du microbiote vaginal dans la modulation du risque de cancer du col de l’utérus.
Composition et rôle du microbiote vaginal
Le microbiote vaginal est un écosystème complexe de micro-organismes qui joue un rôle essentiel dans la santé génitale des femmes. Après la puberté, il est principalement dominé par des bactéries du genre Lactobacillus.
Cinq communautés microbiennes, ou « Community State Types » (CST) , ont été identifiées et sont connues pour être hautement adaptées à l’environnement vaginal :
- CSTI : dominée par Lactobacillus crispatus
- CSTII : dominée par Lactobacillus gasseri
- CSTIII : dominée par Lactobacillus iners
- CSTV : dominée par Lactobacillus jensenii
- CSTIV : composée de communautés polymicrobiennes, avec une prévalence d’espèces strictement anaérobies telles que Gardnerella, Atopobium, Mobiluncus, Megasphaera, Prevotella, Streptococcus, Mycoplasma, Ureaplasma, Dialister, Bacteroides, etc.
Les bactéries du microbiote vaginal maintiennent un environnement acide (pH 3,5-4,5) en produisant de l’acide lactique, inhibant ainsi la croissance de nombreux pathogènes potentiels. Elles produisent également des substances antimicrobiennes appelées bactériocines, contribuant à son équilibre.
Ce microbiote évolue au cours de la vie d’une femme, influencé par les hormones sexuelles : dominé par des bactéries comme Staphylococcus et Streptococcus avant la puberté, puis par des lactobacilles avec l’augmentation des œstrogènes, il redevient plus diversifié et susceptible aux dysbioses telles que la vaginose bactérienne à la ménopause.
Lire aussi notre article sur le risque de contracter un cancer après une hystérectomie
Vaginose bactérienne : entre dysbiose et cancer cervical
La vaginose bactérienne (VB) est une dysbiose (déséquilibre de l’écosystème bactérien) courante qui survient lorsque l’équilibre du microbiote vaginal est perturbé. Elle se caractérise par une diminution des bactéries bénéfiques, principalement du genre Lactobacillus, et une prolifération de bactéries anaérobies comme Gardnerella vaginalis, Prevotella spp. et Atopobium vaginae.
Facteurs de risques
Les facteurs de risque incluent :
- Des rapports sexuels non protégés
- Le nombre élevé de partenaires sexuels
- L’usage de douches vaginales, et certaines pratiques d’hygiène.
Symptômes de la vaginose bactérienne (VB)
Cette condition peut entraîner divers symptômes, notamment des pertes vaginales nauséabondes, une sensation d’inconfort ou d’irritation vaginale.
Bien que la VB soit souvent asymptomatique, elle peut augmenter le risque d’infections sexuellement transmissibles (IST), d’infections urinaires, et de complications gynéco-obstétricales.
Les études montrent que la vaginose bactérienne est également associée à un risque accru de persistance du papillomavirus humain (HPV), ce qui peut à terme conduire au développement du cancer du col de l’utérus.
Lien entre le microbiote vaginal et le risque de cancer du col de l’utérus
Un principe clé permettant la coexistence symbiotique entre l’hôte et le microbiote est la séparation anatomique des entités microbiennes du compartiment hôte par des barrières à plusieurs niveaux.
La perturbation de ces barrières et la diminution de l’abondance de microbes spécifiques peuvent favoriser l’inflammation et accroître le risque de développement du cancer chez l’hôte, que ce soit à des sites locaux ou éloignés.
Rôle du microbiote vaginal dans l’infection par le HPV
L’infection par le papillomavirus humain (HPV) est le principal facteur de risque de cancer du col de l’utérus. Le HPV est un virus très courant, avec plus de 100 types identifiés, dont certains sont considérés comme oncogènes.
Les types HPV-16 et HPV-18 sont les plus fréquemment associés aux cancers du col de l’utérus. Une infection persistante par le HPV peut entraîner des modifications cellulaires précancéreuses sur le col de l’utérus, évoluant vers un cancer invasif si l’infection n’est pas détectée et traitée à temps.
Des études montrent que la composition du microbiote vaginal influence la persistance de l’infection par le HPV. Par exemple, une diversité accrue du microbiote et la présence de certaines bactéries pathogènes peuvent favoriser un environnement propice à la persistance du virus.
Lire aussi notre article sur l’espérance de vie du cancer du col de l’utérus en fonction du grade
Influence des bactéries pathogènes
Certaines bactéries, telles que Gardnerella vaginalis, Prevotella spp., et Sneathia, sont plus fréquemment présentes chez les femmes atteintes de cancer du col de l’utérus.
Une étude menée en Chine a révélé que les femmes atteintes de cancer du col de l’utérus avaient une augmentation significative de ces bactéries par rapport aux groupes non infectés par le HPV. Ces bactéries pourraient contribuer à la persistance de l’infection par le HPV en créant un environnement inflammatoire favorable au développement des cellules précancéreuses.
La présence de certaines bactéries dans le microbiote vaginal, comme Sneathia, est fortement associée à la présence de dysplasies cervicales et de cancer du col de l’utérus.
Une étude a révélé que les femmes atteintes de lésions squameuses intraépithéliales (LSIL, HSIL) et de cancer invasif avaient un microbiote appauvri en lactobacilles, avec une prédominance de bactéries anaérobies.
Mécanismes d’interaction
L’augmentation de la diversité microbienne et la présence de bactéries pathogènes dans le microbiote vaginal peuvent entraîner une inflammation chronique.
Cette inflammation est caractérisée par des niveaux accrus de cytokines pro-inflammatoires, comme l’IP-10 et le VEGF-A, qui ont été observées en plus grande concentration chez les femmes atteintes de cancer du col de l’utérus.
L’inflammation chronique peut endommager les tissus cervicaux et faciliter l’intégration du HPV dans les cellules de l’hôte, augmentant ainsi le risque de transformations cellulaires précancéreuses.
Conclusion
L’exploration du rôle du microbiote vaginal dans la prévention du cancer du col de l’utérus ouvre des perspectives inédites en santé féminine.
La prochaine grande avancée en oncologie pourrait bien se trouver là. En modifiant l’équilibre délicat de ces micro-organismes et en intégrant cette connaissance, nous pouvons imaginer des stratégies innovantes pour réduire les risques et améliorer la prévention, offrant ainsi un avenir plus sûr et plus sain pour les femmes du monde entier.